Engagement d’une Procédure de carence fautive de l’Etat (Div Yezh Breizh, Kelennomp !)

Mercredi 28 Juin, nos deux associations DIV YEZH BREIZH (association des parents d’élèves pour l’enseignement du breton à l’école publique)  et KELENNOMP ! (association des enseignants de et en langue bretonne) ont annoncé à Rennes l’engagement d’une procédure de carence fautive de l’Etat concernant l’application de la LOI n° 2021-641 du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion  (dite Loi « Molac »)  et la Convention Etat -Région signée à Rennes  en mars 20222 (une convention spécifique pour la transmission des langues de Bretagne et le développement de leur usage dans la vie quotidienne : 2022-2027).

Nous avons donc mandaté un avocat à cette fin.

La procédure vise 3 domaines spécifiques de la loi et de la convention vis à vis de l’obligation de moyens de L’ETAT.

 

• L’article 7 de la loi de mai 2021, introduisant un nouvel article dans le code de l’éducation: art. L. 312-11-2, (enseignement des langues régionales sur le temps scolaire) & Convention

• La formation des enseignants bilingues et leur « statut » (code éducation)

• L’ article 1 de la loi de mai 2021, modifiant l’art. L1 du code du patrimoine « L’Etat et les collectivités territoriales concourent à l’enseignement, à la diffusion et à la promotion de ces langues » & Convention

Une procédure en deux temps

D’abord, une lettre de mise en demeure pour carence de l’Etat envoyée en LRAR ce lundi 26 juin au recteur de l’Académie de Rennes,

Ensuite une action auprès du tribunal administratif, sera lancée, début octobre pour faire « sommation à l’Etat des moyens pour corriger ce qui n’a pas été mis en place »

1er point : art. L. 312-11-2 du code de l’Education ( enseignement de la langue régionale sur le temps normal des cours)

L’article 7 de la loi du 21 mai 2021 institue un nouvel article du Code de L’Education, l’art L 311-11-2

« Sans préjudice de l’article L. 312-11-1, dans le cadre de conventions entre l’Etat et les régions, la collectivité de Corse, la Collectivité européenne d’Alsace ou les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution, la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées sur tout ou partie des territoires concernés, dans le but de proposer l’enseignement de la langue régionale à tous les élèves. »

La convention signée en mars 2022 à Rennes (convention spécifique pour la transmission des langues de Bretagne et le développement de leur usage dans la vie quotidienne : 2022-2027). détaille l’application de cet article du code de L’Education  (articles 16, 17 et 18 ainsi que les articles des annexes A14, A15, A16, A17 et article C6).

Quelques éléments des points d’application, dans la convention, détaillant la mise en application de la loi : 

• Convention art. A14 : « Aboutir, à l’échéance de la présente convention, à la généralisation de l’enseignement de la langue dans le cadre de l’horaire normal des cours dans le département du Finistère, conformément aux dispositions de l’article L312-11-2 du Code de l’éducation et à la demande du Conseil départemental »

• « Mise en œuvre d’un plan de déploiement progressif d’un enseignement de ce type, selon les mêmes modalités, sur le reste du territoire académique : l’objectif étant de tendre vers la présence de cet enseignement dans au moins 50% des établissements du premier degré du Morbihan et 25% des établissements des Côtes-d’Armoret d’Ille-et-Vilaine à l’échéance de la présente convention »

• « Assurer la continuité pédagogique de ces enseignements au collège. L’académie veille à ce que les expérimentations d’enseignement renforcé en langue vivante étrangère  dans le premier degré restent compatibles avec une offre d’enseignement de la langue bretonne »

• Convention art. A17  : « Au collège, l’Etat favorise le déploiement d’un enseignement systématique de la langue bretonne aux élèves de 6ème, avec pour objectif de couvrir 30 collèges équitablement répartis sur le territoire à l’échéance de la convention. L’un des objectifs de ce dispositif est d’encourager la poursuite, par les élèves, du suivi de l’enseignement optionnel en cycle 4 »

• Convention art. A16 :  « Une politique d’information systématique des familles et élèves de CM2 et de 3ème sur l’option sera mise en place en amont de la procédure de préinscription des élèves en 6ème et 2nde et l’ensemble des outils d’inscription feront figurer la possibilité de cet enseignement. »

• Convention art. A21  :  « Des méthodes d’enseignement de la langue bretonne dans le premier degré et le second degré seront éditées par TES, selon les cycles d’enseignement »

• Convention art. C6 : « L’INSPÉ organisera, pour l’ensemble des masters non bilingues, un module de sensibilisation à l’enseignement bilingue et optionnel dans le cadre de l’offre modulaire »

Une loi pas si « nouvelle que cela » car car elle a déjà été mis en place pour le premier degré en Corse (2002) art L311-12-du code de L’Education 1 et en Polynésie (2004), statut d’autonomie art. 57 .  La loi Molac étend l’enseignement de la langue régionale dans le cadre de l’horaire normal des écoles  aux autres Langues de France par voie de conventions avec les régions et l’élargit au second degré.

Les précédents ont amené à la constitution d’une » jurisprudence » qui porte sur 3 points :

1) Une obligation de moyens qui consiste a mettre en œuvre le but fixe par la loi a savoir proposer à l’ensemble des élèves bretons l’enseignement de la langue bretonne

2) Un processus par étapes mais avec un terme précis

3) Une adaptation à la réalité de chaque territoire de la présence et de la structuration des filières et des degrés d’enseignement

 

Or, nous constatons à ce jour, qu’aucune mise en place de ce dispositif n’a été effectuée depuis la signature de la convention et q’aucun dispositif novateur n’est prévu pour la rentrée 2023-2024 pour appliquer la loi. 

 

2nd point : formation / « visibilité » enseignants blingues

 

Un manque de formation continue des enseignements bilingues pourtant prévue  par la convention : Art A 30 « L’académie veillera à développer les heures de formation continue dédiées aux spécificités de l’enseignement bilingue, aux mathématiques en langue bretonne, à l’articulation entre les langues française, bretonne et LVE. Il s’agira de répondre aux besoins de formation attendus des enseignants et d’obtenir une meilleure qualité de l’enseignement bilingue »

• Une absence également de références aux enseignants bilingues comme catégories spécifiques dans le bilan social de l’académie (concours spécifiques, postes définis comme tels, filière d’enseignement spécifique).

• Constat (extrait lettre avocat) : « Au titre de sa mission d’organisation général du service public de l’Education, Il incombe manifestement à l’Etat de prendre l’ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que les droits et obligations résultant notamment de la convention tripartite signée et ayant un caractère effectif »

3ème point : enseignement bilingue

 

De même, l’article 1 de la loi du 21 mai 2021 a inclus dans l’article L. 1 du code du patrimoine la phrase : « L’Etat et les collectivités territoriales concourent à l’enseignement, à la diffusion et à la promotion de ces langues »

En utilisant le présent de l’indicatif, l’article ne crée pas une possibilité mais bien une obligation pour les pouvoirs publics, dont l’Etat expressément mentionné, de concourir à « l’enseignement, la diffusion et à la promotion de la langue bretonne » . L’emploi du verbe « concourir » indique non une obligation de résultats, mais une obligation de moyens.

La convention de mars 2022 précise les éléments sur ce qu’implique pour l’Etat les mentions « concourir à l’enseignement » « à la diffusion » et « à la promotion ».

Rappel de ces  principaux points dans la convention :

• Art 1 « l’Etat et la Région se fixent comme objectifs de développer l’enseignement de la langue bretonne (enseignement bilingue français-breton et optionnel) »  « Le renforcement de l’attractivité et le développement de l’enseignement reposent sur des orientations qui favorisent la lisibilité de l’offre, clarifient son évolution au regard d’objectifs partagés, garantissent la qualité de l’enseignement. »

• Art  28 : « Afin de faciliter la mise en œuvre des programmes de langues vivantes, communs à toutes les langues étrangères et régionales, pour ce qui concerne la langue bretonne, des repères pédagogiques seront élaborés pour le premier degré et le second degré bilingues ainsi que pour l’enseignement de la langue bretonne (ndlr : sur le temps normal de l’école hors filière bilingue art L 312-11-2). »

• Art 3 : «Afin de mesurer la qualité de l’enseignement bilingue et de l’enseignement du breton, l’Etat s’engage, sur le fondement des programmes d’enseignement, à mettre en place des tests de compétences en langues au format européen (ndlr : pour la langue bretonne) , tests qui permettront d’objectiver les compétences acquises (ou non acquises) des élèves dans ces filières, en complément des évaluations des compétences acquises en langue française et en mathématiques, communes à tous les élèves de l’académie»•Art 7 : « S’agissant d’objectifs quantitatifs, l’école restant le vecteur prioritaire de la transmission de la langue bretonne, les parties conviennent que l’objectif à atteindre à terme est un taux d’élèves bilingues au moins équivalent à celui des brittophones en Région Bretagne, soit environ 6,4%aujourd’hui, pour poser les conditions d’une stabilisation du niveau actuel de connaissance de la langue bretonne dans la population regionale. L’Etat et la Région mettront en œuvre les moyens d’une croissance continue du taux d’élèves bilingues et immersifs sur l’ensemble des niveaux et filières afin d’atteindre à la fin de la présente convention plus de 30 000 élèves. »

• Art 8 : « L’Etat s’engage, sur la durée de la convention, à mettre en œuvre, sur proposition de l’OPLB et en concertation avec la Région, un plan de développement concerté pluriannuel de l’enseignement bilingue qui permette l’ouverture de nouveaux sites dans le premier degré avec pour objectif de garantir une offre optimale d’enseignement sur le territoire académique et, pour le second degré, à développer les sites bilingues pour assurer la continuité pédagogique dans un souci de rapprochement progressif avec les collèges et lycées de secteur. »

• Art 10 :  « L’Etat affirme sa volonté d’aboutir à la parité horaire effective dans l’ensemble du second degré, en renforçant le recrutement et la formation à la langue bretonne d’un nombre adéquat d’enseignants de disciplines non-linguistiques»

• Art  12  : « L’Etat affirme sa volonté de développer l’offre d’enseignement bilingue en lycée dans les filières générales, technologiques et professionnelles. »  « Les signataires rappellent que la qualité des enseignements conditionne pour une large partie l’attractivité des filières bilingues et enseignements optionnels et participeront, au travers de la formation initiale et continue des enseignants, leur recrutement et leur mobilité, l’encadrement pédagogique, les programmes et modalités d’enseignement, les examens et évaluation des compétences, à tout mettre en œuvre pour son amélioration constante. »

•Art 22 : « L’académie s’engage, avec le concours des universités, à mettre en œuvre des dispositifs de sensibilisation des étudiants aux métiers de l’enseignement en langue bretonne. L Etat, les universités et la Régionsoutiendront le renforcement de la formation initiale des enseignants en licence et en master »

• Art 32 : « L’Etat veillera à constituer un vivier d’enseignants bilingues par des actions de formation continue à la langue bretonne des enseignants selon les modalités détaillées a l’annexe A, articles 123 et suivants »

• Art 24 : « Lors de la précédente convention, le nombre de postes de professeurs des écoles offert aux concours a été adapté par la fixation de taux évolutifs de postes bilingues aux différents concours du premier et du second degré public et privé. Pour la période 2021-2026, l’Etat et la Région s’entendent sur la nécessité de poursuivre une dynamique de croissance continue de la part des postes bilingues aux concours (externes, internes, troisième concours) du premier degré (hors Diwan) afin de pouvoir mettre en œuvre, dans les meilleures conditions, le plan de développement concerté Pluriannuel de l’enseignement bilingue, selon les modalités détaillées à l’annexe ,A articles A32 et suivants. »

• Art 39 :  « l’Etat mènera tous les ans des campagnes de promotion, en concertation avec l’OPLB, afin de faire connaître les possibilités d’enseignement en et du breton »

One Comment

  1. Pingback: Lutte contre les anglicismes : les coups de maître des commissions de terminologie - VOIRENIMAGES

Comments are closed.